José Sulemane, Représentant du FMI en Guinée: « Nous sommes très petits ! »
(Guinéeco.info)-Le représentant-résident du Fonds monétaire international en Guinée, José Sulemane, a particulièrement retenu l’attention des acteurs de la société civile et des journalistes guinéens qui participaient le samedi 15 avril, au Palais du Peuple, à un atelier de formation organisé par l’Association guinéenne pour la transparence (AGT) pour aider à la compréhension des programmes et activités du FMI en Guinée et dans le monde.
Dans un langage de vérité dont sont peu coutumiers les responsables des institutions internationales, notamment de Breton Woods, M. Sulemane a trouvé les mots justes pour convaincre son auditoire sur la structure et le fonctionnement de son institution, ainsi que sur la situation économique et financière de la Guinée et du monde actuellement.
Il a, en tout cas, su combler les attentes du président de l’AGT, Mamadou Taran Diallo qui, à l’ouverture des travaux, a souhaité que cet atelier soit une tribune permettant aux participants de « comprendre, savoir pour partager, amplifier et diffuser l’utilité du FMI pour un pays comme la Guinée qui, en plus de la croissance, a besoin de développement pour éradiquer la pauvreté qui étreint sa population, bien que disposant d’atouts économiques et humains importants pour y arriver »
FMI, un mal nécessaire ?
Fondé en 1944, aux Etats-Unis, le FMI compte de nos jours 189 pays membres dont la Guinée, qui l’a intégré en 1963. Son mandat est de garantir la coopération internationale, faciliter le commerce international, promouvoir la stabilité des taux de change et de fournir une aide financière aux pays membre qui ont des difficultés de balance des paiements.
Bien que se complétant avec la Banque Mondiale (l’institution dédiée au développement à long terme, à la réduction de pauvreté et au financement des projets), l’objectif principal du Fonds monétaire vise la stabilité macro-économique à court terme, la stabilité du secteur financier, l’appui à la balance de paiements et le dialogue de politiques avec ses pays membres.
Interpellé sur le dictat que son institution impose à ses pays membres à travers ses différents programmes d’ajustement structurel, le Représentant résident n’a pas tourné au tour du pot pour rappeler le principe qui veut qu’on apporte toujours « aux grands maux, les grands remèdes ». Ce qui a fait dire à un participant que le Fonds monétaire est un mal nécessaire les pays qu’il assiste.
« Nous sommes très petits !»
En expliquant le rôle des quotas exigés à chaque pays pour être membre du Fonds monétaire et pouvoir accéder à ses financements, M. Sulemane a présenté des chiffres qui font froid dans le dos. En effet, depuis février dernier le quota de la Guinée au FMI a été fixé 290 millions de dollars US (le double du montant qui était pratiqué jusque-là). Ce qui représente 0,07% des quotas de l’ensemble des pays membres. Pendant ce temps, le quota des Etats-Unis, la première puissance mondiale, est de 16, 53%, celui du Japon est 6% et celui de la Russie, 2, 5%. Curieusement, le quota de 23 pays africains du groupe II dans lequel se trouve la Guinée est seulement de 1, 61 %, soit un peu moins du quota du Pays-Bas. Cette situation a fait dire au Représentant du FMI que « nous sommes très petits ».
« La Guinée n’est pas le pays du FMI »
Exhortant les journalistes et les acteurs de la société civile guinéenne à jouer leur partition dans la normalisation de la situation économique du pays, M. José Sulemane a été catégorique : « la Guinée c’est votre pays, la Guinée n’est pas le pays du FMI », ironise-t-il, avant de plaider pour une implication plus accrue de la société civile dans l’actualisation et la fiabilisation des données statistiques en Guinée, car « si les statistiques sont erronées, toutes les planifications du pays seront vouées à l’échec », estime-t-il. Selon lui, la taille du secteur informel guinéen dont personne ne connait, pourrait faire par exemple l’objet d’une thèse de doctorat ou d’un mémoire de maitrise pour les universitaires.
Question de priorités…
Se posant bien des questions sur les priorités et les qualités des dépenses publiques en Guinée, le Représentant-résident du Fonds monétaire international a martelé : « Si quelque chose est prioritaire pour vous, vous devez le financer avec votre propre argent, pas avec l’argent des bailleurs de fonds ; autrement ce serait une priorité de ces bailleurs de fonds ». Toujours est-t-il qu’à ses yeux, les priorités en Guinée devraient être l’eau et l’assainissement, les infrastructures, l’électricité, l’agriculture, la pêche et la bonne gouvernance.
De bonnes perspectives
Au terme d’une journée de débats enrichissants, les participants ont remercié les organisateurs de cet atelier qui permis à certains de rappeler de vieux cours oubliés, à d’autres de se poser des questions et de formuler des recommandations pour les choses aillent mieux en Guinée. Le Représentant-Résident a indiqué que cet atelier est le début d’une collaboration appelée à continuer entre le FMI et la société civile guinéenne. Il rassure que les portes de la Représentation résidente sont ouvertes à tous et qu’il faille valoriser cette « institution de connaissance ». Pour sa part, le Président de l’AGT a remercié les uns et les autres. « Notre combat est de faire un travail de qualité en tant qu’acteurs sociaux redevables aux populations », conclut M. Taran Diallo
Bachir Sylla